GUSTAVE DRON (1856-1930)

Député-maire de Tourcoing, sénateur du Nord

<p>L’ancienne Chambre de commerce devenue le centre d’histoire locale.</p>Le « Palais du commerce », vue d’ensemble - Mediathèque municipale de Tourcoing
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Conclusion

Avant de tourner la dernière page de cette étude, nous devons tirer quelques conclusions sur l’homme et son action.

Nous remarquons tout d’abord un jeune homme vif et ambitieux, à qui il ne faut pas beaucoup de temps pour s’attacher une popularité méritée. Un médecin dévoué, sensible aux misères du peuple, qui gravit peu à peu les échelons du pouvoir local et national. Élu député puis maire, il impose à Tourcoing sa marque personnelle, et son oeuvre de bienfaisance en fait un homme aimé et adulé quand sa politique radicale fait de lui un homme détesté et condamné.

Nous ne voyons sans cesse en butte aux attaques de ses adversaires qui l’accusent, mais sans que jamais aucun scandale n’éclaboussât sa réputation et son honneur. Nous le voyons sans cesse instigateur, exécuteur infatigable de nombreuses tâches, de nombreuses réalisations qui répondent toutes d’une grande générosité. Nous le voyons aussi portant des coups, répondant avec une véhémence qui trahit bien souvent son caractère passionné et la douleur des blessures infligées à son amour-propre et à sa fierté.

Nous remarquons ensuite qu’à Tourcoing, à l’inverse de ce qui se passe dans le reste de l’agglomération et de la France entière, le radicalisme se maintient au delà des années 1901-1906, son âge d’or, jusqu’à la première guerre mondiale. En fait, il faut dire plutôt le “dronisme”, car c’est à sa forte personnalité et à sa grande habileté qu’il doit d’être constamment sollicité par le suffrage universel.

Car sa gestion municipale rencontre l’approbation de la population tourquennoise dans son aspect de protection des plus pauvres et de sauvegarde des plus faibles. Il a cette envergure de notable local, cette dimension nationale rapidement acquise qui inspire le respect et l’admiration de ce peuple des Flandres encore très rural dans sa mentalité.

Pour dernier témoignage, cette extrait d’archives personnelles ; une simple lettre d’une contemporaine de DRON, EMMA PATELET, née à Paris en 1848 et décédée à Tourcoing le 18 février 1919 :

« [...] N’oubliez jamais mes chers, que cet homme de bien a été bon pour les vôtres, qui grâce à lui, ont vu leur extrême vieillesse honorée, qui est venu dire un dernier adieu à mon vieux père dans son cercueil : je suis fière de ce souvenir [...] mais pour mon père, pour ma mère, ces deux gens qui avaient vécu et côtoyé tant de personnalités de ce monde qu’on dit grand et fortuné, Monsieur DRON était le premier digne d’occuper le haut rang qu’il tenait ; mes parents sont morts avec la conviction qu’il serait ministre ou peut-être plus haut : je partage leur admiration. [...] »

À la Chambre, il témoigne en effet de dons oratoires peu communs et d’une autorité indéniable. Il se sent investi d’une mission humanitaire, sentiment renforcée par sa profession. Membre de la bourgeoisie moyenne urbaine, il pourrait s’orienter plutôt vers la défense des intérêts économiques, mais il a choisi, dès le début de sa carrière de s’engager dans la voie du réformise social, voie plus hasardeuse et plus risquée.
Si l’on se pose maintenant la question : pourquoi n’occupa-t-il jamais de poste ministériel malgré ses interventions remarquées et ses qualités certaines ? Par manque d’autorité ou de compétences ? Ou tout simplement parce que son ambition ne se résumait pas à la simple conquête du pouvoir, mais se trouvait au delà, dans la satisfaction de soulager les malheurs du plus grand nombre. Et comme l’écrit ROBERT VANDENBUSSCHE, parce que « constamment, il se présentait en technicien par ses projets et que ce rôle technique le tenait à l’écart des désignations gouvernementales ».

S’il perd son siège de député, suite à une manoeuvre des conservateurs, il entre au Sénat quelques semaines plus tard, juste avant le début du premier conflit mondial. Nous l’avons vu patriote mais non revanchard. Durant le Grande Guerre, il reste à son poste, et si son rôle n’a rien d’héroïque, son action toute de patience et d’obstination permet de “sauver les meubles”.

Délaissant sa place de premier magistrat au lendemain du conflit, il se retire en veillant à ce que ses remplaçants veillent à son oeuvre et gardent la ligne qu’il s’était imposé. Déçu par cette expérience, il reprend la mairie de haute main, quand l’étiquette de “radical” ne suffit plus à emmener l’opinion publique et à triompher aux élections. Car les socialistes, puis les communistes, le débordent sur sa gauche. Il s’en sert, il les heurte, mais doit désormais accepter le partage du pouvoir avec eux. Indéniablement, il a retardé considérablement le développement du socialisme à Tourcoing, mais sa politique sociale en avait les mêmes résultats généreux.

Le vieux chef disparu, c’est la discorde parmi ses continuateurs, et le déclin irrémédiable du radicalisme à Tourcoing. Quand il meurt, c’est son parti qui s’étiole et le socialisme qui triomphe.

Dans les dernières années de sa vie, il prend encore part aux débats de la Haute Assemblée, mais son activité parlementaire faiblit rapidement.

Il était médecin et sa tâche était de guérir, soigner, prévenir. Il aurait pu se contenter comme tant d’autres de ses collègues de ce rôle humanitaire déjà formidable. Mais il a choisi d’entrer en politique. Parce qu’il était ambitieux, certes, mais non par soif de pouvoir ou par attrait de l’argent. Non, son ambition était d’une autre nature, bien plus élevée et la politique n’était pour lui qu’un moyen, que l’outil de cette ambition, qui était de porter à un niveau supérieur son action bienfaisante. De dépasser le cadre du quartier pour atteindre celui de la municipalité, de la région, de la nation même.

Comment pourrions-nous conclure cet écrit sans saluer respectueusement la mémoire de cet homme, qui dépensa sans compter tant d’énergie au travail et qui s’attela à une tâche aussi lourde de responsabilités ? D’un homme qui offrit généreusement aux exclus d’un monde qui vivait des derniers beaux jours du capitalisme fleurissant, le soulagement physique, les moyens de subsistance matérielle, et la dignité humaine ?

Quand la mort frappe, les dernières paroles d’un ami valent plus que tous les discours officiels. Alors nous terminerons sur ces quelques mots d’EDMOND LABBE, prononcés sous la pluie, ce jeudi 21 août 1930 :

« Je dis un dernier adieu à l’homme qui m’était cher, à mon ami. Nous enterrons ici un grand coeur dont l’affection m’était précieuse, dont l’ardeur est restée vivante en ceux qui l’ont aimé. En cette heure, je n’ai qu’une seule pensée, l’image de l’ami que j’avais et que j’ai perdu. Elle ne me quittera point. Adieu, mon cher DRON, mon ami, adieu. ».

Monument Gustave Dron, photo issue de la brochure distribuée lors de l’inauguration le 17 mars 1935 - Archives municipales de Tourcoing.


gustave DRON

Mémoire de Maîtrise en histoire contemporaine politique
de l’Université de Lille 3.
Octobre 1988

auteur

Bruno SIMON

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