GUSTAVE DRON (1856-1930)

Député-maire de Tourcoing, sénateur du Nord

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Seconde partie - Chapitre 5 - Paragraphe 10/10

Presbytères, processions et sonneries des cloches

Le député-maire qui n’avait déjà pas beaucoup de patience ni d’indolence à l’égard de ces curés de choc, en éprouve de moins en moins. Les tentatives de rapprochement restant vaines, ses amis catholiques étant dénoncés comme traîtres à leur religion, il n’en faut guère plus pour le décider à mener un combat d’usure sans quartier, la cassure étant de toutes façons irréparable et l’obstination adverse inexorable.

Donc, si l’épisode des inventaires correspond au point culminant de la querelle entre l’administration municipale et le clergé local, la grande fête de l’exposition n’en marque guère la conclusion. En juillet 1907, la ville achète le pensionnat Saint-Michel, par surenchère contre un groupe catholique qui voulait en conserver la propriété [1]. Cet événement secondaire n’est pas sans importance, non seulement parce qu’il accentue la colère cléricale, mais surtout parce que ces bâtiments deviendront en 1910 l’école Michelet et l’Institut Colbert, deux des fleurons de la politique scolaire de DRON.

La même année, la question des presbytères se pose : les curés en sont désormais des occupants sans droit. Mais la municipalité accorde un bail des bâtiments et il ne reste qu’à discuter des conditions de location. Mais le clergé en général, et l’abbé LECLERCQ en particulier, “original, autoritaire et bourru”, fait traîner les discussions. Alors, quand il prétend organiser la procession de la Fête-Dieu du 2 juin, DRON, pas mécontent de détenir un moyen de pression, lui rétorque : « réglons la question des presbytères, j’examinerai ensuite celle des processions. ». Sa provocation ne pouvait rester sans réponse de la part du doyen de Saint-Christophe, qui semble, selon le conseiller municipal LÉON SALEMBIEN, vouloir pousser les radicaux à supprimer les processions. Peut-être dans le but d’envenimer volontairement la situation, afin de provoquer un affrontement décisif qui verrait la victoire des catholiques [2].

Le 25 mai, DRON, par suite du vote au Conseil municipal, déclare l’interdiction de la processin : dix-neuf bulletins pour, deux contre, cinq abstentions et dix absents. L’affrontement n’eut pas lieu, tout au plus un rassemblement de fidèles sur le parvis de Saint-Christophe le dimanche 2 juin, à l’instigation de l’ALP (Action Libérale Populaire), vite dispersé par la police et surtout par la pluie. Le dimanche suivant, une manifestation un peu plus agitée entraîne l’arrestation de vingt-six personnes, dont un curé. DRON, ayant supprimé les processions, chose faite à Lille et à Roubaix depuis 1897 environ, réglemente la sonnerie des cloches par un arrêté municipal du 24 octobre, soutenu par le Conseil d’État ! [3]

En 1908, alors que l’abbé LECLERCQ, au nom de l’ensemble du clergé tourquennois lui demande le rétablissement des processions, il le renvoie sans ménagement :

« Pourquoi vos amis ne demandent-ils pas à M. MOTTE, maire de Roubaix et M. DELESALLE, maire de Lille qu’on rétablisse dans leurs villes les processions interdites depuis plus de vingt ans ? C’est qu’on ne veut pas causer de désagrément à mes collègues de Roubaix et Lille, considérés comme “bien pensants”, tandis qu’on ne perd pas une occasion de harceler le maire de Tourcoing.  ».

A la fin de l’année, en octobre, il fait condamner devant le tribunal de police les curés de Tourcoing qui, depuis l’année précédente, n’ont jamais suivi la réglementation des sonneries des cloches. Mesures vexatoires contre résistance obstinée.

Il ne resterait plus à DRON qu’un geste supplémentaire contre les cléricaux : le Bureau de Bienfaisance emploie des religieuses, les Soeurs de la Charité, que nous avons déjà rencontrées. Profitant des règlements de compte, des voix au Conseil municipal poussent le maire à les remplacer [4]. Mais les administrateurs du Bureau, autrefois désignés par DRON, ses amis et collaborateurs HENRI LORIDANT et DÉSIRÉ PARSY, aussi radicaux que lui, prennent néanmoins la défense des soeurs. Preuve de la tolérance de DRON ou de la résistance adverse, les soeurs ne seront pas remplacées. Elle quitteront leur poste d’elles-mêmes, quelques années plus tard.

Peu à peu, les républicains triomphant lentement mais surement dans cette guerre civile larvée, l’agitation retombe, dans les dernières années de paix avant la grande guerre. C’est dans les trente premières années de la IIIe République que la question religieuse occupait l’avant-scène de la vie politique, au détriment, nous l’avons vu, de la question sociale. Dans l’après-guerre, celle-ci reprendra la place qui lui est due.


[1Procès-verbal de l’adjudication du tribunal de Lille, 17 juillet 1907.

[2Arch. Mun. de Tourcoing, PVDCM du 24 mai 1907.

[3Le clergé ayant fait appel au Conseil d’État, celui-ci rejette cet appel dans le courant de l’année 1908, tranchant la querelle et fortifiant la position du maire.

[4Arch. Mun. de Tourcoing, PVDCM de septembre 1908.

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Dans ce chapitre :


gustave DRON

Mémoire de Maîtrise en histoire contemporaine politique
de l’Université de Lille 3.
Octobre 1988

auteur

Bruno SIMON

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