GUSTAVE DRON (1856-1930)

Député-maire de Tourcoing, sénateur du Nord

Troisième partie - Chapitre 7 - Paragraphe 7/12

Le C.A.N.F.

C’est encore DRON qui organise sous sa présidence le Comité Alimentaire du Nord de la France, le CANF, qui se coordonnait avec d’autres organisations comme le “Comité Hispano-américain” ou l’“American Relief for Belgium” [1]. Ces derniers fournirent au CANF divers produits de consommation courante qui furent distribués à la population, comme du pain, du jambon, du lard, de l’huile, des légumes, ou encore des pâtes, du vermicelle, des bougies, du vinaigre, des harengs, ... etc.

La Kommandantur décida en mars des revues d’appel qui consistaient à contraindre les hommes de 17 à 55 ans à faire valider chaque mois leur laisser-passer. Le même mois, il fut décidé de déporter les plus inaptes au travail, femmes, ou hommes en incapacité. DRON eut la charge délicate de faire exécuter le tirage au sort des premiers déportés parmi les assistés du Bureau de Bienfaisance, 700 le 12 mars et 300 de plus le 24. À ceux qui craignent de se retrouver en Allemagne, il répond « aucune crainte à avoir, il s’agit d’aller en France, non en Allemagne ».

Tandis que dès le printemps une résistance efficace et discrète s’organise, avec pour principal acteur tourquennois le commissaire LENFANT du quartier de la Croix-Rouge, les civils usaient de tous les moyens pour irriter les soldats ennemis. En particulier, les médaillés du travail arboraient leur médaille à l’insigne tricolore, d’autres poussaient des cris hostiles au passage des trains allemands chargés de troupes, ou bien se rassemblaient à plus de cinq dans la rue pour être aussitôt dispersés par une patrouille. Sans compter ceux qui essayèrent de traverser la frontière belge pour diverses raisons.

Toutes ces manifestations hostiles, plus bravaches qu’héroïques, étaient autant d’occasions pour VON TESSIN de réclamer à DRON des amendes de 10.000 francs. Au cours des semaines qui s’écoulèrent jusqu’en décembre, les affiches, dont nul n’était sensé ignorer les prescriptions, se multiplièrent.

Tout objet ou animal de valeur devait être déclaré. Dans l’ordre chronologique, le maire dut faire procéder à la consignation des chevaux, des voitures, des bêches, de tous les métaux, de l’avoine, des toiles, des sacs, des courroies de cuir, des bouchons de liège, du caoutchouc, des appareils photo, des poêles, des glands de chênes et des châtaignes, des poules, des oeufs, des cochons d’Inde, du papier, des orties, des oies, des canards, des machines à écrire, des machines à couper la paille, des objets d’art, des coffres-forts, des moulins à blé manuels, des moutons, des machines à tricoter, des lampes de poche, des machines à coudre, des éponges, du tabac, de la cire des églises, des fruits et des noix... Inutile de préciser que tous les stocks de textile des fabriques de la ville furent consciencieusement pillés.

Quant à la vie intellectuelle, elle fut réduite à sa plus simple expression : seuls deux journaux rédigés en français par les Allemands étaient publiés à Tourcoing : “Le Bruxellois” et “La Gazette des Ardennes”, imprimée à Charleville-Mézières. Pour les rares Tourquennois qui comprenaient l’allemand, chaque semaine, ils pouvaient lire le communiqué officiel des dernières nouvelles du front, réelles ou mensongères.

En septembre, DRON fut “prié” d’assister à l’inauguration du monument aux morts allemands du cimetière, ainsi que le président du Tribunal de Commerce et le président de la Chambre de Commerce, respectivement MM. ROMAIN DUQUENNOY et GEORGES DUVILLIER.

Le recensement allemand du 27 octobre 1915 nous permet cependant de connaître certains chiffres : Tourcoing comptait alors 69.078 habitants pour 82.644 en 1911 et 19.572 maisons dont 481 inhabitées. Sous prétexte de difficultés dans le ravitaillement, 1.000 personnes de plus furent déportées en décembre vers le sud de la France, ce qui porte à 2.000 le nombre d’évacués forcés pour l’année 1915.


[1Soutien Américain pour la Belgique, trad. de l’auteur.

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Dans ce chapitre :


gustave DRON

Mémoire de Maîtrise en histoire contemporaine politique
de l’Université de Lille 3.
Octobre 1988

auteur

Bruno SIMON

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