GUSTAVE DRON (1856-1930)

Député-maire de Tourcoing, sénateur du Nord

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Troisième partie - Chapitre 7 - Paragraphe 8/12

1916 : réquisitions des cuivres et déportations

Les rigueurs de l’occupation augmentèrent encore durant l’année 1916. Si la ville fut toujours épargnée des combats, hormis quelques obus anti-aériens allemands tirés sur les avions de reconnaissance alliés qui survolaient la ville et qui retombaient sur les habitations, elle dut néanmoins souffrir de nombreuses privations et vexations, toujours plus lourdes. Les exigences de l’occupant furent de plus en plus nombreuses, de plus en plus hétéroclites, voire saugrenues.

1916 reste pour la ville l’année terrible en raison de la grande déportation du mois d’avril. Les tous premiers le 7 avril furent envoyés à Bazeille, dans les Ardennes. Devant les agissements allemands et d’après des rumeurs qui se répandaient selon lesquelles cette première vague de départs ne serait que le prélude à d’autres plus vastes, les parlementaires de la métropole tentaient de rassurer l’opinion publique par voie d’affiche :

« Nous exprimons notre assurance qu’il ne sera pas donné au monde d’assister à cette horreur de la déportation en masse d’hommes, de femmes et d’adolescents inoffensifs, à la dislocation des familles et à la promiscuité qui en résulterait ? Personne de saurait froidement songer à provoquer ainsi l’indignation du monde entier et à marquer cette guerre, si cruelle à tant d’égards, d’une souillure indélébile. ».

Le Sénateur, Maire de Tourcoing, DRON.
Les députés se trouvant dans la région occupée, 
DELORY, GHESQUIÈRE, INGHELS, RAGHEBOOM

Mais paroles vaines, car les affiches du 20 annonçaient une déportation en masse qui débuta le 23 avril à deux heures du matin. Avec une efficacité toute germanique, les habitants des quartiers concernés furent sortis du lit et alignés contre les murs. Les déportés sont les hommes et femmes de 14 à 55 ans sans travail. Dans l’ordre, les célibataires, les mariés sans enfants, puis les mariés avec enfants de plus de 14 ans. Le 29 avril au soir, ce sont 4.366 déportés, 3.748 hommes et 858 femmes, qui sont parqués dans des caves d’usines avant d’être envoyés dans les Ardennes. Au cours de ces sept jours, DRON se trouva souvent dans la rue, s’interposant au risque d’être malmené quand les soldats allemands se faisaient brutaux. Par la suite, les déportations furent effectuées par petits paquets afin de créer moins de remous. À la fin de l’année le nombre des travailleurs forcés exilés était monté à plus de 6.000 et celui des habitants en dessous de 60.000.

VON TESSIN fit savoir par voie d’affiche le 11 août 1916 que tous les les objets en cuivre, nickel et étain devaient être livrés, jusqu’au plus insolite et au plus petit. L’abbé LECLERCQ incita ses paroissiens à ne pas livrer leur cuivre, ce qu’ils firent et qui lui valut une condamnation, devant tribunal de guerre allemand, de dix ans de réclusion. GUSTAVE DRON intervient alors pour aider son vieil et acharné adversaire de temps de paix. Mais son intervention ne changea rien à la décision des autorités allemandes : le doyen de Saint-Christophe fut envoyé en camp de prisonnier en Allemagne. Devant les perquisitions dans les logis individuels et surtout dans les usines dont les métiers sont désarticulés pour en récupérer les cuivres, DRON ne peut que regretter que « soient annihilés ces instruments de travail pacifique dont l’absence vaudra à Tourcoing après l’occupation, une sérieuse prolongation de l’inactivité. » [1] .

Le 29 août, alors que VON TESSIN a donné l’ordre de fouiller les maisons vides, le maire fait passer le mot à ceux qui en avaient la charge afin qu’ils les occupent avant l’intrusion des soldats, pour éviter que ceux-ci ne saccagent ou ne pillent.

En raison des mauvaises volontés de la population, vingt-cinq notables de la ville furent emmenés en otages jusqu’en Lituanie, le 1er novembre 1916. Nous retrouvons parmi ceux-ci des noms de grandes familles de l’agglomération : MASUREL, FLIPO, TIBERGHIEN, DASSONVILLE, JONGLEZ, POLLET, MOTTE, SION, DESURMONT et d’autres encore.

En décembre, un autre des anciens adversaires de DRON est arrêté. C’est en effet après perquisition chez ALBERT INGHELS que les Allemands découvrirent des journaux publiés en zone libre, ce qui décida du sort du député socialiste élu de fraîche date : trois ans de prison.


[1JEAN MAUCLÈRE, in “L’orage sur la ville”, op. cit. Ce sont 835.685 kilos de cuivre qui sont emportés par les Allemands, et presque autant sont dissimulés.

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gustave DRON

Mémoire de Maîtrise en histoire contemporaine politique
de l’Université de Lille 3.
Octobre 1988

auteur

Bruno SIMON

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