Première partie - Chapitre 1 - Paragraphe 9/10
Cette alliance n’aura duré que le temps de ces élections et de la préparation des législatives de 1893. Grâce à son allié catholique qui doit lui ramener des voix de républicains chrétiens, DRON est convaincu que sa réélection contre EMILE BARROIS sera relativement aisée. Mais c’était sans compter la montée du sentiment socialiste au sein de la population ouvrière de Tourcoing, ni l’organisation des chefs de gauche. DELPHIN DUMORTIER, que nous avons vu sur la liste républicaine des municipales se présente lui-même dorénavant comme candidat socialiste. Les résultats sont significatifs de cette percée socialiste qui déborde les radicaux sur leur gauche :
Voix : | |
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Émile BARROIS | 7772 |
Gustave DRON | 5732 |
Delphin DUMORTIER | 3077 |
DRON, voyant que BARROIS sera élu si DUMORTIER ne se désiste pas pour lui, prend alors contact avec le socialiste, contre l’avis des Républicains modérés qui répugnent à une alliance avec les partis ouvriers. Les résultats du deuxième tout, le dimanche 3 septembre 1893, lui donnent raison :
Voix : | |
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Gustave DRON | 8218 |
Émile BARROIS | 8197 |
Par transaction avec DUMORTIER, que DRON sauve son mandat parlementaire d’extrême justesse, mais perd le soutien sinon l’amitié de MASUREL, qui refuse l’alliance avec les « collectivistes » et démissionne de son poste de conseiller. Pour le député, cette élection fixe le scénario classique de toutes celles qui vont se succéder dans sa carrière : débordé sur sa gauche, le radical se verra obligé de négocier, de se servir des socialistes. Mais DRON ne fut jamais marxiste, ou socialiste, même s’il a pu avoir en commun avec ces derniers des idées et une volonté de réformes sociales.
Sa manoeuvre se comprend mieux comme une dernière tentative pour éviter à Tourcoing l’élection d’un député conservateur. Mieux vaut pour la ville un radical même bourgeois qu’un catholique fanatique. De plus, avec son individualisme et son désir de s’occuper de tout, il n’y a aucun doute qu’il ait agit seul, sans trop tenir compte des réticences de l’aile droite du front républicain. Et il ne fera jamais rien pour l’essor du mouvement socialiste à Tourcoing, ce qui envenimera ses rapports avec les socialistes tourquennois qui lui reprocheront son manque de bonne foi et sa façon éhontée de se servir d’eux.
François MASUREL fut certainement lui aussi trop passionné lorsqu’il fit le choix de se séparer de DRON. Partageant les mêmes idées que sa classe sociale au sujet des collectivistes, il prit la démarche de son ami pour quelque transaction avec le parti ouvrier, alors qu’il n’y avait simplement, si l’on peut dire, qu’une demande de désistement motivée par le bon sens et les impératifs de la tactique politique.
Dans l’immédiat, DRON, d’un caractère impétueux cache difficilement son amertume causée par l’attitude de MASUREL. Après avoir félicité les ouvriers de s’être ralliés à la République, il tient contre lui quelques propos dictés par la colère, rapportés dans la presse du lendemain :
« (...) Désormais il n’y a plus de patrons, ni jésuites, ni calotins qui puissent nous arrêter. Nous marcherons désormais dans la voie des réformes sociales, malgré eux et contre eux (...) ».
Et MASUREL démissionnant, on organise alors des élections cantonales partielles pour le mois de novembre. Emile BARROIS prend sa revanche sur les républicains en battant JULIEN TACK, conseiller municipal, et devient conseiller général du Canton nord. Petite consolation à son échec aux législatives...
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Mémoire de Maîtrise en histoire contemporaine politique
de l’Université de Lille 3.
Octobre 1988