GUSTAVE DRON (1856-1930)

Néanmoins, ces grèves n’empêchent pas Tourcoing d’être économiquement prospère. A la veille de 1906, l’année de l’exposition universelle du textile, la ville compte

• 625 machines à peigner la laine,
• 490.635 broches à laine en continu,
• 110.116 broches à retordre la laine,
• 533.820 broches à coton en continu,
• 144.220 broches à retordre le coton,

puis 741 métiers à tisser le tapis. Ce qui la place, pour la filature et le tapis, devant Roubaix, le grand centre de l’industrie textile en France [1].

Le commerce de la laine est le principal facteur de la prospérité tourquennoise : on y importe d’Amérique du Sud (Argentine et Uruguay) et d’Australie près de 150.000 tonnes de laine brute en 1906. Cette laine repart comme produit intermédiaire vers l’Allemagne (laines peignées et fils de laine), vers la Grande-Bretagne (draperie légère) et la Belgique, mais aussi vers les États-Unis (tissus de laine) et les Pays-Bas et la Russie (laines filées).

Si le contexte économique est des plus favorables, il n’en est rien pour le contexte politico-religieux. Nous verrons plus loin en détail la trame des grandes luttes religieuses dans lesquelles DRON est impliqué au premier chef. Depuis la première manifestation à laquelle il eut affaire en 1902, la tension n’a cessé de monter entre le clergé tourquennois et ses ennemis, pour en être à son paroxysme en 1906.

Après les violences physiques de la rue qui font de nombreuses victimes en mars, suite aux inventaires des biens d’églises, on assiste à une flambée de violence verbale lors de la campagne des législatives de mai. C’est dans cette ambiance orageuse que les Tourquennois et les habitants des communes périphériques sont appelés à voter pour leurs députés. La “Croix du Nord” fait paraître une brochure à l’occasion des inventaires et en vue des élections. On peut y lire sous la plume de GABRIEL DELACROIX, un ami de GROUSSEAU :

« DRON-LA-FROUSSE, comme on l’appelle depuis quelque temps, n’a garde de se montrer ! Frappons les catholiques, faisons les inventaires, mais à tout prix, sauvons mon élection et mon exposition ! Si on me voyait opérer en personne, c’en serait fini de moi. ».

Mais l’année 1906 est aussi et surtout celle de la grande Exposition Internationale Textile de Tourcoing, ambitieux projet de DRON enfin réalisé. Les adversaires du député sortant ne veulent voir dans l’exposition qu’un gigantesque et coûteux coup de publicité politique. Mais en vérité, la fête ne battra son plein qu’après les élections.

Dans la neuvième circonscription, GROUSSEAU est réélu sans peine, même s’il perd un bon millier de voix par rapport à 1902. Dans la huitième, DRON est opposé au second tour à un candidat catholique, GEORGES LENOIR. Il obtient 11.254 voix contre 6.962 pour son adversaire. Mais cette victoire est due au retrait, à la suite du premier tour, du socialiste ALBERT INGHELS, que nous voyons pour la première fois se présenter aux législatives. Secrétaire de la Fédération du Textile, membre de la Section Française Internationale Ouvrière de Tourcoing. Il est l’adversaire “intime” de DRON qui ne lui accorde aucune facilité : privé de salle pour ses réunions, il les tient en plein air, à la sortie des usines ou dans des estaminets socialistes, régulièrement interrompu et poursuivi par la police municipale !

Au niveau national, se confirment également le maintien radical et la baisse de popularité des candidatures confessionnelles de notables s’affichant comme catholiques intransigeants.